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Archive -President Michel

Interview avec le Président James Michel |01 October 2016

« L’homme d’Etat est celui qui bâtit les fondements de la nation et des institutions »

 

Le Président James Michel, 72 ans, a annoncé mardi soir sa démission en affirmant qu’après douze ans passés au pouvoir le moment était arrivé de passer la main à un nouveau dirigeant qui sera chargé de conduire les Seychelles vers de nouvelles frontières. Cette décision a surpris tout le monde, sympathisants comme opposants, et nous l’avons approché pour en savoir davantage.

 

Monsieur le Président, à peine dix mois après votre prestation de serment pour un troisième mandat, vous démissionnez. Est-ce que vous vous imaginez un peu l’onde de choc que cela a créé dans le pays, à commencer par le parti dont vous êtes le leader?

 

Je peux comprendre la vague d’émotion que cela a pu créer chez certains et ce qu’ils peuvent ressentir en ce moment et j’en suis vraiment désolé. Mais je suis sûr qu’après le moment d’émotion, lorsque le temps de l’analyse et de la réflexion succèdera, ils me comprendront et salueront ma décision. Ils comprendront que je ne suis pas quelqu’un qui s’est engagé dans la politique pour son seul gain ou pour protéger les intérêts d’une minorité de gens. L’homme politique est celui qui s’investit dans des activités politiques et aspire à des positionnements pour assouvir son intérêt personnel. Mais l’homme d’Etat est celui qui bâtit les fondements de la nation et des institutions, qui les consolide et qui prépare la relève, pour le progrès continu de son pays. Le Président France Albert René a été un homme d’Etat, et il nous a  laissé un pays avec une fondation solide, avant de prendre sa retraite. Pendant les douze années que j’ai passées comme président, j’ai fait de mon mieux pour préserver et améliorer cet héritage, selon mon style. Mon successeur Monsieur Danny Faure y apportera également sa pierre, selon un style qui lui est propre. C’est cette philosophie que nous partageons dans le Parti Lepep. Si je n’étais qu’à l’écoute de mes seuls intérêts rien ne me couterait d’exercer mon mandat jusqu’à l’épuisement des cinq ans !

 

Avez-vous pensé un seul instant que quelles que soient les raisons que vous avanceriez vous seriez mal compris ?

 

Je ne me suis jamais caché le fait que certains prendraient mal la décision. Avec le temps, ils en mesureront la portée. L’avenir des Seychelles n’a pas de prix.  Il prend le pas sur tout. Toute ma vie je me suis employé à travailler dans ce sens et dans le seul intérêt du peuple seychellois.

 

Vous dites toujours que vous aimez écouter et consulter. L’avez-vous fait cette fois-ci avant d’annoncer votre décision de démissionner ?

 

L’écoute et la consultation font partie des principes qui me sont chers et je ne m’en départirai jamais, surtout quand il s’agit de prendre une décision aussi capitale.

 

Certains, les plus sympathiques, affirment que vous avez démissionné parce que vous êtes malade, d’autres, les moins indulgents, pensent que vous avez eu peur de faire face aux défis nouveaux qu’il faudra gérer face à une Assemblée nationale dominée par vos opposants ? Qu’en est-il vraiment?

 

Ce n’est ni l’un, ni l’autre. Je suis en bonne santé, comme vous pouvez le constater quoique vous ne soyez pas un médecin. L'opposition s'est engagée à travailler dans un esprit cordial avec l'exécutif, dans l'intérêt du peuple seychellois, pourquoi douterai-je de sa parole pour renoncer au pouvoir ? Ma décision a été uniquement dictée par l’intérêt supérieur des Seychelles. J’ai pensé qu’après douze ans, c’était le moment de donner toute sa chance à la relève afin qu’elle continue à faire des Seychelles un pays en perpétuelle progression, qui aspire à être parmi les meilleurs au monde. L’objectif de mon gouvernement a été toujours inspiré par cette conviction, celle de l'attention à porter à l’amélioration constante de la vie de tous les Seychellois, à leur avenir et à celui de leurs enfants. J’ai pensé aussi qu’il fallait donner du temps à mon successeur de se préparer pour ses futures responsabilités.

 

Linyon Demokratik Seselwa (L’union démocratique seychelloise, en français)  dit que cette « forme de passage du témoin » n’est pas démocratique. Qu’en pensez-vous ?

 

Tout ce qui n’arrange pas certains individus, n’est pas démocratique selon eux!  On a parfois tendance à penser que la démocratie est une recette miracle prête à l'emploi, valable pour toutes les sociétés quelles qu'en soient les époques et les circonstances. Tout système démocratique est évolutif et se perfectionne avec le temps. Certes le nôtre n’est pas parfait, mais il a l’avantage d’exister et de correspondre actuellement aux aspirations de notre peuple. Par ailleurs, ma décision s’appuie sur l’article 52 (5) de la Constitution et la passation des pouvoirs est entièrement en conformité avec l’article 55 (1) de la Constitution.

 

Certains disent que le ‘timing’ de votre décision de démissionner est destiné à faire de l’élection d’un opposant à la présidence de l’Assemblée un non-évènement.

 

Pas du tout. C’est mal me connaitre que de me prêter une telle intention. Tous ceux qui sont à l’Assemblée Nationale sont des Seychellois et je suis prêt à travailler avec tous ceux qui mettent l’intérêt des Seychelles et du peuple seychellois par-dessus tout.

 

Avec quels sentiments vous renoncez aujourd’hui à votre charge de Président?

 

Comme je l’ai dit, avec le sentiment du devoir accompli. La marche d’une nation est continue et nul être humain ne peut prétendre la conduire jusqu’au bout. Chacun y apporte sa part de réalisations et je pense avoir fait de mon mieux. J’ai redressé l’économie du pays, qui nous permet de figurer aujourd’hui au nombre des pays ayant les plus haut revenus. J’ai créé plus d’opportunités pour tous les Seychellois, afin que notre pays puisse continuer à progresser. J’ai créé encore plus de conditions pour assurer le bien-être des plus vulnérables de notre société. J’ai offert plus d’opportunités à la jeunesse. Nos citoyens âgés ont continuellement bénéficié d’une série de mesures leur assurant dignité et meilleur confort dans leur vie de retraite. J’ai assuré le rayonnement des Seychelles sur la scène internationale à travers notre rôle de leadership pour les petits Etats insulaires et l’économie bleue. J’ai renforci nos capacités de défense et contribué à la sécurité maritime de notre région. En outre, j’ai fondé l’Université des Seychelles.

A chaque chose, en fait, il faut savoir s’assumer par rapport à ce que vous avez fait, par rapport à ce que vous faites et par rapport à ce que vous ferez dans le futur. C’est le prix de la responsabilité, de l’engagement et de la loyauté. J’ai assumé une responsabilité et je pense que l’histoire me jugera par rapport à ce que j’ai fait. Un jugement que j’attends avec confiance et sérénité.

 

Quel conseil donneriez-vous avant de quitter le devant de la scène politique ?

Le même conseil que j’ai toujours donné, celui de préserver à tout prix notre unité nationale. Une société démocratique se distingue par un libre échange d'idées, par des débats contradictoires et d'autres formes de participation civique. Mais ce que l’on ne doit jamais perdre de vue, c’est l’unité nationale : l’unité pour la stabilité du pays, l’unité pour le développement continu de notre nation. Pour cela il est important de continuer à créer les conditions d’une cohésion nationale, d’une union sacrée autour des principaux points d’intérêt de notre pays, afin que toute la classe politique, de façon consensuelle puisse œuvrer dans le même sens, pour le bien de notre peuple et de son avenir.

 

 

 

 

 

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