Un ancien champion de boxe réunionnais professeur aux Seychelles/Interview-« Mon conseil aux jeunes : continuer le sport sans négliger les études » |07 April 2010
Il a été médaillé d’or aux 2es Jeux des îles de l’Océan Indien en 1985, à Maurice, dans la catégorie des poids légers. Il a été aussi vice-champion de France en 1986. Comme pour faire mentir ceux qui croient qu’on ne peut pas concilier sport de haut niveau et études, il a décroché ses diplômes universitaires.
Titulaire d’un doctorat, Jean-François Begue est aujourd’hui professeur de français, à Mahé, dans le cadre des accords de coopération entre les Seychelles et La Réunion. A 47 ans, l’ancien champion est aussi bien à l’aise dans les classes de l’Ecole secondaire de Plaisance où il enseigne en ce moment que sur le ring qu’il a quitté et dont il parle avec nostalgie.
Nous avons rencontré pour vous le sympathique enseignant originaire du Chaudron – fief de la boxe réunionnaise – où il a pourtant failli se faire distraire par le football qu’il adore également.
Sports Nation : Comment avez-vous débuté en boxe ?
Jean-François Begue : Nous étions quatre – Raymond Gevia, Gilbert Grondin, Monbris et moi-même. Tout le monde nous appelait les quatre mousquetaires. Nous avons débuté la boxe à un très jeune âge avec notre animateur de quartier qui s’appelait Félicien Malbrouk.
J’ai fait les championnats locaux et, à l’âge de 17 ans, j’ai commencé à faire des combats amateurs sous la tutelle du coach français Yves Arigui qui nous a aidés à prolonger notre envie.
Sports Nation : Et comment avez-vous accédé au haut niveau ?
Jean-François Begue : Ce n’était pas facile d’accéder au haut niveau à cette époque. Aujourd’hui, on a un encadrement bien rigoureux, mais dans le temps c’était plutôt l’envie qui nous poussait à persévérer dans le sport. Et c’est vrai que quand on était à l’école on ne savait pas si on allait réussir sur le plan scolaire. On avait donc mis nos chances dans le domaine du sport. A l’époque, à La Réunion, on était certain d’avoir un travail si on réussissait en sport.
Pour nous, le sport était un moyen de s’en sortir. Il est vrai que moi j’ai réussi en boxe et dans mes études, mais j’ai arrêté la boxe à un très jeune âge – à 28 ans – pour faire des études avancées.
Sports Nation : Avez-vous essayé de participer à l’entraînement des jeunes depuis que vous êtes ici ?
Jean-François Begue : Pas encore. Mais je veux effectivement m’impliquer et apporter des conseils. J’ai déjà assisté à des entraînements d’athlétisme.
Comme vous le savez, la Réunion est un département de la France et cela nous donne une opportunité de quitter l’île pour faire une percée dans le haut niveau. Des boxeurs comme Willy Blain et Bernard Inom ont bien saisi l’occasion pour devenir champion de France et d’Europe.
J’ai lu qu’il y a une jeune volleyeuse des Seychelles qui joue en France et qu’elle se comporte bien chez les pros. C’est encourageant !
Il est très important que les jeunes saisissent toutes les occasions possibles. Ils doivent aussi penser à poser les questions suivantes : pourquoi j’ai réussi et pourquoi je n’ai pas réussi.
Je pense aussi que les anciens pros, qu’ils soient des étrangers ou des locaux, doivent s’impliquer et apporter leur savoir aux jeunes.
A la Réunion, nous avons la filière sports-études. Des jeunes de 15 ou 16 ans sont mis dans la situation des sportifs de haut niveau. Le matin, ils prennent leur petit déjeuner avant de faire leur footing. Ensuite, ils rentrent en classe jusqu’à midi, c’est-à-dire trois heures de cours par jour. Après le déjeuner, ils font la sieste jusqu’à 14 heures. A partir de 14h30, c’est l’entraînement jusqu’à 17h.
Je pense qu’il faut dès maintenant mettre en place cette filière aux Seychelles. Comme ça dans 10 ans, les Seychelles n’auront pas besoin de recruter des entraîneurs étrangers. Il est plus facile pour les entraîneurs locaux de motiver les leurs et gérer les conflits.
Pour être un sportif de haut niveau, il faut palier votre sport favori et l’athlétisme pour le physique. Cette complémentarité apporte le plus qu’on a besoin pour le résultat. Il y a aussi de fortes chances que vous deveniez champion dans les deux sports.
Sports Nation : En tant que professeur, pensez-vous qu’il y a des différences entre la mentalité des jeunes seychellois et réunionnais ?
Jean-François Begue : Aujourd’hui, la mentalité des enfants est la même partout dans le monde. C’est à cause de la télévision. Ils imitent les jeunes Américains qui ont leurs façons de s’habiller et des démarches qui impressionnent.
Mais à la Réunion, quand vous dites à un jeune, si vous voulez réussir vous devez faire les choses comme ça, il vous écoute. Sinon, vous gênez les autres et vous devez venir à l’école avec vos parents.
Il est vrai que les parents d’aujourd’hui ont un peu baissé les bras. Ils confondent l’instruction et l’éducation. Dans notre temps on disait l’éducation à la maison et l’instruction à l’école. Ce n’est plus le cas maintenant. Les parents d’aujourd’hui, qui sont de plus en plus jeunes, envoient leurs enfants à l’école pour être éduqués et instruits. On a aussi le problème du mono-parental et l’absence de cocon familial.
Quand il y a malfaçon, nous les professeurs à La Réunion nous envoyons les élèves à la maison et les parents prennent conscience et deviennent plus rigoureux avec leurs enfants. Ici, nous leur donnons un travail à faire sous le soleil. Comme ça ils réfléchissent sur ce qu’ils veulent dans la vie.
Sports Nation : Pour terminer, avez-vous un mot d’encouragement pour les jeunes seychellois qui désirent marier sport et études ?
Jean-François Begue : Je suis arrivé depuis un mois, et j’ai tout de suite constaté que les Seychellois ont un gros potentiel physique. Je suis étonné par leur pointe de vitesse et leur vivacité. Mon conseil aux jeunes est de continuer à étudier et sans négliger le sport ou faire le sport sans négliger les études.
Si on veut faire du sport au niveau professionnel, il faut que tu maîtrises le français, l’anglais et peut-être une troisième langue. Quand on regarde les grands sportifs professionnels, ils ont réussi leur parcours professionnel, ils ont aussi un bon parcours scolaire et maîtrisent au moins trois langues étrangères.
Mais pour moi, on ne peut pas devenir sportif professionnel sans avoir un bon niveau scolaire.
Propos recueillis par G. G.