Jeux des iles de l’océan Indien 2019 |28 April 2017
La Réunion menace de se retirer des jeux des Iles
Le Comité régional olympique et sportif (Cros) a posé une bombe hier, en menaçant de quitter les Jeux des îles. La crise de gouvernance est profonde et l'évènement en péril.
Le malaise était palpable il y a deux ans, quand le drapeau des Jeux des îles a été plié à Saint-Paul pour prendre la direction de Maurice en attendant 2019. La belle idée de réunir les peuples india-océaniques sous l'impulsion de la Réunion en 1979 semblait avoir vécu. D'autres considérations - politiques en l'occurrence - avaient pris le dessus, après que Mayotte eut défilé sous le drapeau français lors de la cérémonie d'ouverture, provoquant la colère et le départ des Comores avant même la première compétition.
S'en étaient suivis des 9e JIOI bouclés tant bien que mal, où le sport et la fête avaient été éclipsés, tout comme les drapeaux et les hymnes. Une solution d'urgence qui avait fait une large place aux compromis. La question de la représentation de Mayotte n'a toujours pas été tranchée. Mais c'est d'un autre foyer qu'est venu un nouvel incendie hier, mettant en lumière encore une fois un problème de gouvernance.
Le serpent de mer, ou de l'océan Indien, est ressorti sous les traits du Comité régional olympique et sportif (Cros) réunionnais. Une institution chapeautant tous les mouvements sportifs de l'île d'ordinaire mesurée et réservée dans ses prises de positions qui a décidé, en accord avec les présidents de Ligue des sports choisis aux Jeux (voir par ailleurs), de claquer la porte du Conseil international des Jeux (CIJ), sorte de CIO de la zone qui régit les Jeux des îles en élaborant notamment sa charte. Un règlement commun dont toute modification est très sensible. Le point de crispation s'est cette fois porté sur l'article 7, alinéa 2, qui définit les critères de sélection d'un Réunionnais ou d'un Mahorais inscrit aux Jeux.
Selon la charte, pour porter les couleurs d'un des deux DOM lors des JIOI, un athlète doit remplir une de ces trois conditions : "être natif de l'île" ; "être licencié auprès d'un mouvant sportif de l'île durant trois années civiles continues incluant celle des Jeux" ; ou "avoir été licencié au moins cinq ans dans l'île".
Un article déjà âprement discuté dans le passé, les autres pays de la zone craignant un appel trop fort aux Kréopolitains pour renforcer les deux délégations françaises, alors que Réunionnais dénoncent des naturalisations expresses de leur concurrents. Lors de la dernière réunion du CIJ, présidée par le Seychellois Antonio Gopal, les 27 et 28 mars derniers à Maurice, les Réunionnais ont demandé une abrogation de cet article, ou du moins que tous les pays membres soient logés à la même enseigne. Devant le refus poli et le peu d'intérêt des autres membres, les trois représentants du Cros, ont, par la voix de l'un d'eux, Thierry Grimaud, président du comité d'organisation des derniers Jeux et vice-président du Cros, exprimés leur mécontentement dans une allocution demandant à être mis "sur le même pied d'égalité", et considérant l'article 7 comme "discriminatoire".
Des dettes impayées des comités nationaux des Comores (17 000 euros) et de Madagascar (55 000 euros) sont également évoquées pour brandir la menace d'un retrait de la Réunion des Jeux des îles et donc une absence lors de la 10e édition en 2019, qui correspond au 40e anniversaire des JIOI.
C'est surtout un ras-le-bol profond qui s'est exprimé par le biais de cet ultimatum. Celui d'une gouvernance où la Réunion face à Madagascar, les Comores, Madagascar et Maurice, qui font souvent alliance, n'a pas le sentiment d'avoir son mot à dire. "On arrive au bout de 40 ans d'un fonctionnement, estime Thierry Grimaud. Nous avons toujours la volonté que (les Jeux) soient une fête de la jeunesse et du sport. Nous voulions travailler sur la modification de la charte dans cette idée. On a adopté des principes communs, mais quand nous demandons que tout le monde soit logé à la même enseigne pour participer aux Jeux, on nous dit que ce n'est pas possible, que nous ne sommes pas égaux. On ne veut plus. On sait bien que lorsqu'il y a un litige contre la Réunion au CIJ, c'est perdu".
Le Cros menace de ne pas participer aux prochains JIOI si la question n'est pas réglée tout en affirmant ne pas vouloir laisser sa chaise vide. "Comme nous l'avions toujours fait, nous allons rester autour de la table pour la poursuite des travaux, sans que cela soit pour nous un engagement d'être avec vous pour les prochaines rencontres et Jeux", a lancé Thierry Grimaud en conclusion de son intervention à la dernière réunion du CIJ. La prochaine, en février 2018, à Maurice, risque d'être très mouvementée. Et décisive, car après cette date, statutairement la charte ne pourra plus être modifiée.
Avant que la menace d'un "Réxit" ne soit mise à exécution, il y a tout de même le temps de trouver un terrain d'entente et de remettre à plat un système de gouvernance des Jeux, embourbé dans les compromis, qui a vécu.
Clicanoo.re