Célébrons la francophonie seychelloise 2021 à la saveur des expressions imagées |06 July 2021
Aujourd’hui nous allons découvrir des expressions imagées en français et en créole qui partagent le même sens et les mêmes images.
Avoir peur de son ombre (F) = Avoir peur des moindres choses, personne molle, peureuse et sans caractère, extrêmement timide, excessivement craintif. « Per son lonbraz ». En dimoun ki per tou keksoz, kapon. (K)
L’origine de cette expression française est peu connue. Toutefois on peut comprendre combien l’effet de l’ombre peut entraîner une certaine peur ou frayeur chez une personne surtout en pleine obscurité.
Selon certaines sources, l’équivalent anglais de cette expression « to be afraid of one’s own shadow » existe en langue anglaise depuis le XV1e S. et probablement d’autres expressions ayant cette même image.
Dans Richard III (vers 1513), Sir Thomas More écrit: «Qui peut la laisser craindre sa propre ombre » (traduit par MRH). Quelques années plus tard, Erasme cite Platon comme ayant dit la même chose en grec des centaines d'années auparavant. Henry David Thoreau pour sa part, a utilisé cette expression pour décrire la timidité des élus de la ville de Concorde. Il s’agissait de la pendaison de John Brown en 1859 quand ils ont refusé de sonner la cloche de la paroisse. (idioms.thefreedictionary.com).
La plupart des expressions contenant le mot ombre ont une connotationplutôt négative. « Courir après son ombre » signifie qu’une personne, se livre à des chimères, perd son temps à chercher une chose impossible. « Suivre quelqu'un comme son ombre » veut dire suivre fidèlement un autre, sans le quitter d’un pas, « mettre quelqu’un à l’ombre » c’est l’enfermer, l’emprisonner.
Ne pas y aller par quatre chemins (F) =Aller droit, directement au but sans détour, parler franchement, ne pas hésiter, agir directement, brutalement.
« Pa pas par kat semen ». Al direkteman san detour lo size konversasyon, koz fran. (K)
L’expression « Ne pas y aller par quatre chemins » date du XVIIe S. Elle fait allusion au fait d'aller droit au but en ne suivant qu'un seul chemin, sans détour, pour y arriver le plus rapidement possible. On l'emploie donc pour parler d'une personne efficace qui ne perd pas de temps (www.linternaute.com)
Le nombre quatre dans cette expression française est lié au concept de carrefour ou de croisée (www.expressions-francaises.fr).
Le mot quatre, comme les mots dix, cent, mille, s’emploie fort souvent pour signifier un pluriel indéterminé. On trouve dans le recueil de proverbes dramatiques de Carmontel : Je n’y vais pas par quatre chemins, moi, j’aime la franchise (www.france-pittoresque.com).
L'expression s'emploie donc au sens propre et au sens figuré. Le sens propre de cette expression française veut montrer qu'il n'existe qu'un droit chemin. Au sens figuré elle signifie aller directement au but en toute franchise.En d’autres mots, la personne dit ce qu’elle est venue dire sans détour ou encore sans tourner autour du pot
Se coucher avec les poules (F) = Se coucher très tôt, aller au lit de bonne heure « Dormi koman poul ». Dormi byen boner. (K)
L’expression « coucher avec les poules » date du début des années 1900, lorsque l'agriculture était plus répandue. Les agriculteurs se couchaient alors au crépuscule comme les poulets. Comme il n’y avait pas grand-chose à faire après le crépuscule, il était donc logique que tout le monde aille se coucher pour pouvoir se lever tôt avec les vaches, peu après le lever du jour. De cette façon, « la plus grande quantité de lumière du jour était utilisée pour effectuer toutes les tâches ménagères à la ferme ». (www.quora.com).
Aux Seychelles, à l’époque où il n’y avait pas d’électricité le soir, les gens se couchaient très tôt parfois quelque temps après le repas du soir. Le lendemain, on se levait au lever du soleil. Il est possible, aussi comme ailleurs, que les fermiers se couchaient tôt « comme les poules » pour pouvoir commencer une nouvelle journée de travail.
En kreol on utilise « lev ek kok sante »(Se lever au chant du coq) qui signifie se lever très tôt le matin.
Tous les 36 du mois = Qui n’arrivera jamais; quand les poules auront des dents. « Tou le trantsis dimwan », esper en keksoz ki zanmenm pou arive, ler poul pou pous ledan. (K)
L’expression « tous les 36 du mois » remonte au milieu du XIXème siècle. Nous savons qu’un mois ne comprend que 31 jours et le chiffre 36 dans cette expression pose problème. Elle signifie donc quelque chose qui ne se produira jamais.
Selon, Expressions-francaises.fr, le chiffre 36 serait à la fois le carré de 6 et le triangulaire de 8 et fait référence « symboliquement aux 6 jours de la création et donc à la totalité de ce qui existe sur terre. Ce fameux 8, fait référence au 8ème jour, le nouveau monde annoncé par le déluge marquant la fin du monde ancien, selon le nouveau Testament ».
En français, il existe de vieillies expressions avec le même sens que « tous les 36 du mois » comme la semaine des deux jeudis (XVe S), « la semaine des trois jeudis » (XV1e S.), « la semaine des quatre jeudis » (XIXe S.) Selon Duneton « dès le XIVe S, le jeudi est associé au dimanche comme jour de réjouissance, jour de gras probablement en prévision du jeûne du vendredi (Dictionnaire des expressions imagées).
Les autres expressions avec le chiffre 36 qui sont très utilisées comprennent « faire 36 choses à la fois » = faire plusieurs choses en même temps, « voir 36 chandelles » = éprouver un éblouissement après un choc, un coup violent à la tête, « il n’y a pas 36 solutions » = il n’y a pas plusieurs façons de faire, il n'y a pas d'alternative, il n'y a pas de choix.
A la prochaine fois pour de nouvelles expressions…
Marie-Reine Hoareau