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Les témoignages de deux héroïnomane réhabilités-"J'ai commis l'erreur de ma vie" |03 September 2005

Comment et où avez-vous découvert l'héroïne ?

Jacques: J’ai commencé à fumer le haschich à l’âge de 14 ans. Je fumais régulièrement sans que cela ait une conséquence grave pour moi ou ma famille. J’avais ma femme et mon fils que j’adorais, et je gagnais ma vie tranquillement en travaillant sur un bateau. Aujourd'hui, j'ai 30 ans. Mais deux ans auparavant, j’ai eu des contacts avec des touristes qui étaient en train de fumer de l’héroïne. Ils m’ont invité à en prendre. Quand je l'ai fait, franchement, je me suis vu transporté dans un autre monde… Depuis, j'ai voulu toujours retrouver la même sensation.  Après, ma prise est devenue quotidienne. Je ne pouvais plus m’en passer. Si je n’avais pas ma dose, j’étais malade, très frustré.

Jill : J'ai 35 ans et je suis familier du cannabis depuis l’âge de 15 ans. Pendant 20 ans, j’ai fumé cette drogue. J’ai été à l’université et j'ai visité de nombreux pays. J’ai vu des personnes consommer de l’héroïne. Pour moi, c'était une drogue sale, et je ne l’ai jamais touchée jusqu’à ce qu’elle arrive aux Seychelles.
Je travaillais bien et j’avais des rentrées d’argent assez conséquentes. Un jour, une personne, qui savait que je consommais du cannabis est venue me voir pour me dire de goûter à l’héroïne. Malgré ce que j’avais lu et appris sur le  produit et ses méfaits, je me suis laissé tenter. La personne est venue me voir dans mon travail avec un  peu de cette poudre meurtrière. J’ai goûté et je l’ai trouvée vraiment bonne. Je lui ai demandé de passer la semaine suivante. Ensuite, je l'ai invité à passer deux fois par semaine… puis, c'était trois fois… et plus tard, c'était tous les jours. Après, ne pouvant attendre, j’ai commencé à me rendre personnellement chez le revendeur.

Qu'est-il arrivé une fois que vous avez senti que vous ne pouvez plus vous en passer ?

Jacques : L’héroïne est une drogue qui s'empare de toute votre attention. Elle devient tout pour vous, et vous ne pouvez pas vivre sans elle. Elle vous fait abandonner votre femme,  vos enfants, vos parents, vos amis et votre boulot…Tout mon système était chamboulé. Je dormais pendant la journée et restais éveillé toute la nuit. Pendant la journée, je ne pouvais manger et j’avais faim le soir.
Pour avoir cette drogue, vous pouvez tout vendre.
Votre compte en banque est vidée en quelques jours. J’ai eu un jour 80 000 SR et je les ai dépensées en trois semaines. Par jour, je consommais 2 grammes…
Je me suis déjà couché à 3 heures du matin pour me réveiller à 2 heures de l’après-midi. A mon réveil, j'ai tout de suite pris une autre dose et je me suis de nouveau endormi. A 8 heures du soir, je me suis réveillé et j'ai pris une autre dose. C'est dire que c'est une drogue qui vous qui vous fait dormir d’un seul trait. Et quand vous vous réveillez, vous avez mal un peu partout sur le corps.
L'héroïne, comme d'ailleurs les autres drogues, est un produit  très vicieux. Plus vous en consommez, plus votre corps en a besoin. Si au départ, votre corps en demande toutes les 10 heures, vous verrez ce temps se réduire  rapidement pour passer à 8 heures, 5 heures ou toutes les 2 heures.

Jill : L’héroïne était la seule chose qui m'intéressait dans la vie. C'était la chose de ma vie. Ma femme et ma petite fille étaient devenues inexistantes.
Dès le moment que vous prenez cette drogue et que vous vous sentez planer, c’est le début de tous les cauchemars. C’est la troisième fois que je vienne au centre Mont Royal pour des traitements, et je prie pour que ce soit la dernière fois. Je suis optimiste parce que le nouveau traitement que j'ai reçu m’a fait plus d’effet que les précédents. J’ai tellement souffert que je ne veux plus vivre de nouveau ce cauchemar. Avec l’héroïne, j’ai fondu à vue d’œil. J'ai eu des douleurs si atroces qu'elles sont incomparables à ce que l'on peut ressentir quand on a eu 10 fois la fièvre consécutivement. Vous êtes constipé et vous perdez l’appétit. Pendant ce temps, le dealer devient votre médecin et votre pharmacien. Il vous suce tout l'argent que vous avez  en vous conseillant la drogue qu'il vend et qui devient le seul médicament capable de vous donner un semblant d'équilibre.

Comment vous vous êtes retrouvés au Centre Mont Royal ?

Jacques : Je suis venu au Centre Mont Royal de mon propre gré pour suivre une cure de désintoxication. Parce que j'ai pris conscience de l'effet désastreux de la drogue. En effet quand vous êtes sous l’influence de cette substance vous êtes prêt à mentir et à voler tous ceux qui vous entourent, sans état d'âme. Vous ne reculez devant rien pour vous procurez votre dose. Et à la fin, cette substance vous ruine jusqu’aux os. Aujourd'hui, je suis complètement en faillite.

Jill : J’ai déjà suivi un traitement de désintoxication au Centre Mont Royal. J'ai aussi essayé un traitement à la maison. Malgré tout, je n'avais pas retenu la leçon, jusqu'au dernier incident que j'ai vécu. En février dernier, après avoir acheté ma dose, la police m'a arrêté. J'ai tout de suite avalé mon sachet. Ils m’ont frappé pour que je le vomisse, mais je ne l’ai pas fait. Si je l’avais rendu, je serais parti en prison pour au moins 15 ans… C’est après ça, que j’ai décidé d'arrêter avec cette vie de chien.

Il vous reste un nouveau combat à mener maintenant.

Jacques et Jill : Pour nous, le vrai combat ne commence pas maintenant que nous sommes encore au Centre, entourés de nombreux conseillers. C'est une fois dehors qu'il commence. Il faut recommencer une nouvelle vie. Nous sommes partis en famille pendant le week-end et nous y avons été bien accueillis. C'est prometteur. Ça aide à surmonter beaucoup de choses.

Jacques : Je suis redevenu le père attentif que j'étais avant mon intoxication. J’ai préparé le repas et mon fils était très collé à moi. Au moment du retour au Centre, il a pleuré et m’a dit que puisque j'étais guéri il ne comprenait pas pourquoi je devais repartir à l’hôpital. J’avais des larmes au yeux en le quittant. Et dire que je l’avais complètement oublié !

Jill : Tout s’est très bien passé à la maison. J’étais touché de voir que ma fille portait toujours les chaussures que je lui avais achetées, il y a deux ans. Elle m’a demandé quand j'allais lui donner une autre paire…

Jacques et Jill : Nous devons modifier notre façon de vivre maintenant, changer d'amis et nous approcher de Dieu. Nous avons réalisé que l’héroïne nous a éloignés de tout ce qui est bien. Chacun de nous a dépensé plus de 200 000 RS. Et qu'avons-nous récolté en résultat de ça ? Sinon que des malheurs. 
Aujourd’hui nous avons le moral assez haut. Si au moins les dealers pouvaient prendre conscience qu'ils sont en train de détruire la jeunesse seychelloise !

Avez-vous des conseils à donner ?

Le seul conseil que nous pouvons donner aux autres, c'est de ne pas toucher du tout la drogue, que ce soit du cannabis ou l’héroïne. Nous sommes attristés de voir des jeunes filles et des garçons continuer à fumer de l’héroïne malgré toutes les campagnes contre ces substances. Les Seychelles sont un petit pays, et pour protéger sa petite population il faut que la loi soit sans pitié pour ceux qui cherchent à la détruire.

Kelly Saminadin
Vidya Gappy


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