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Boxe : Interview exclusif du boxeur professionel Joachim Alcine-« Mon rêve c'est devenir champion du monde » |05 January 2006

Boxe : Interview exclusif du boxeur professionel Joachim Alcine-« Mon rêve c'est devenir champion du monde »

En vacances aux Seychelles, Alcine ne nous a pas seulement accordé cet inteview au restaurant Sam's Pizzerria, mais il nous a aussi montré ses poings

Alcine a fait ses débuts chez les amateurs en 1993 avant de passer professionnel en 1999.

Il est sorti de l'ombre et s'est révélé au grand public canadien et mondial en décembre 2004 à la suite de sa victoire éclair contre l'ex-champion québécois Stéphane Ouellet qui effectuait un retour à la boxe après une absence de près de trois ans. Alcine avait envoyé le 'prophète Ouellet', comme on l'appellait au Canada, au tapis en moins de temps qu'il n'en a faillu pour crier KO.

Aujourd'hui, il est classé parmi les meilleurs boxeurs au monde dans la catégorie des super mi-moyen.
Sports Nation  a rencontré le boxeur de 29 ans pour vous.

Sports Nation :  Quand avez-vous débuté votre carrière de boxeur ?

Joachim Alcine : Je voulais commencer la boxe à l'âge de 12 ans mais j'ai fait mes débuts à 17 ans parce que mes parents étaient sévères. Ils ne voulaient pas me voir courir des risques. Mon père n'était pas un enfant de coeur. Il avait beaucoup d'autorité. Je savais que j'avais le talent pour devenir un bon boxeur et je ne voulais pas m'asseoir sur ce talent. Je voulais aller le plus loin que je pouvais.

Aujourd'hui, je suis classé parmi les meilleurs au monde. Ce n'est pas seulement une question de talent. Il faut apprendre à souffrir dans la vie, car il n'y a rien de facile. J'ai fait des sacrifices pour arriver là où je suis aujourd'hui.

Sports Nation :  Comment s'est passé votre début chez les professionnels ?

Joachim Alcine : Je suis rentré chez les pros à 23 ans et cela fait six ans que je boxe à ce niveau. Je viens de débuter. Il faut avant tout parler de ma carrière amateur. J'étais un des meilleur boxeurs au Canada.

Comme je savais que j'avais le talent pour battre n'importe qui au Canada, j'étais un peu paresseux. Je ne m'entraînais pas beaucoup et donc je laissais passer le temps. Passer professionnel, j'essais de rattraper le temps perdu. Je trouve que je suis un meilleur boxeur aujourd'hui grâce à mon sérieux.

Comme amateur, j'étais champion du Québec et champion du Canada. C'est à partir de là que tout a commencé pour moi. Je suis passé tout près des Jeux Olympiques d'Atlanta en 1996 (NDLR : aux Etats-Unis). J'ai râté les Jeux parce que je me suis fait disqualifier au Championnat canadien.

Sports Nation :  Pour quelle raison ?

Joachim Alcine : J'avais un style de boxe un peu brusque pour la boxe amateur. Je boxais plus professionnellement. J'utilisais pas mal de techniques professionnelles, les arbitres m'ont enlevé trop de points et j'ai été disqualifié. Je pense qu'il y avait aussi une question de discrimination. En ce temps-là, on parlait de référendum (NDLR : le Québec voulait se séparer du Canada). J'étais un boxeur québécois et je boxais pour le Québec. Si je devenais champion canadien, on devrait dire que je suis Canadien-Québécois. Je pense qu'il y avait de la discrimination tout court.

Alcine avec ses ceintures de NABA et WBC

Sports Nation :  On dit que vous avez une belle carte chez les pros...

Joachim Alcine : J'ai 25 combats, 25 victoires et 0 défaite. Parmi les 25 victoires, j'ai 19 KOs. Je suis champion du Nord des Amériques, champion WBC (World Boxing Council) inter-continental et champion Latino-Américain. J'ai aussi la ceinture NABA qui m'a permis de me classer parmi les meilleurs du monde.

Dans le WBA (World Boxing Association) qui regroupe les champions du monde, je suis classé 3e au monde et dans le WBC, je suis 5e. Je peux boxer n'importe quand dans la WBC ou la WBA. Pour l'heure, on est en train de faire les préparations pour un championnat du monde WBA qui doit avoir lieu au mois de mai au centre Bell au Canada ou aux Etats-Unis. Je deviendrais le premier Québécois d'origine haïtienne à être champion du monde si je gagne mon combat. Il n'a jamais eu de champion haïtien de la boxe. Je veux marquer l'histoire.

Dans ma catégorie, il y a quatre ceintures au niveau mondial – WBA, WBC, IBF (International Boxing Federation) et WBO (World Boxing Organisation). Et comme je viens de vous le dire, je suis classé dans la WBC et la WBA seulement. Admettons que je devienne champion du monde et qu'on parle d'unifier ma ceinture, automatiquement je serais obligé d'abandonner ma ceinture de WBA pour me battre pour la ceinture IBF. En fait, c'est cela qui arrive avec le champion WBA de ma catégorie. S'il se bat pour la ceinture IBF, la ceinture WBA devient vacant. Moi, je dois me battre pour la ceinture WBA contre un boxeur de Don King (NDLR : le fameux promotteur américain qui avait comme poulain Mike Tyson) qui est le promotteur du présent champion du monde.

Sports Nation :  Pendant que vous êtes aux Seychelles, est-ce que vous continuez à vous entraîner ?

Joachim Alcine : Je suis ici en vacances avec ma famille. Je vais passer deux semaines ici avant de retourner à Montréal pour continuer mon entraînement parce qu'au mois de février j'ai un combat préparatoire pour le championnat du monde au mois de mai. Ça va être un combat dur parce que mon adversaire était champion d'Europe et il s'est même battu contre un des meilleurs boxeurs au monde – Felix Trinidad – et il avait perdu au 8e round.

Sports Nation :  A quoi pensez-vous quand vous montez sur un ring ?

Joachim Alcine : Je dois vous raconter quelque chose. Il y a ma femme et ma mère. Ce sont les deux qui arrivent à me donner la confiance d'être assez fort sur le ring. La raison pour laquelle je dis ça c'est parce qu'elles rêvent souvent avant mes combats. Les rêves de ma mère ne sont pas spécifiques, tandis que quand ma femme rêve, elle sait exactement ce qui va se passer et à quel round le combat va se terminer.

Mais elle ne va jamais me dire à quel round ça va se terminer. Elle va seulement me dire : « Tu vas gagner. Il n'y aura pas de décision. » Et s'il y aura une décision, elle va me le dire aussi.

Je peux dire que le Bon Dieu s'est arrangé que j'ai quelqu'un comme elle dans ma vie. Je trouve que tout ce qui est au tour de moi est positif. Donc, je ne suis pas nerveux avant de monter sur un ring et je fais le travail que j'ai à faire. Je suis très confiant. Je sens déja la victoire.

Sports Nation :  Quel est votre rêve en tant que boxeur professionnel ?

Joachim Alcine : Mon rêve, c'est devenir champion du monde et marquer l'histoire pour Haïti. Aujourd'hui, tout le monde veut être millionnaire. J'ai le même rêve et je n'ai rien à cacher. Je ne fais pas la boxe seulement pour la gloire, c'est mon gagne-pain. Je fais la boxe pour aider ma famille, surtout ma mère qui est mon idole. On m'a souvent demandé qui est mon idole et j'ai toujours répondu : « ma maman ». C'est elle qui connaît mes faiblesses et qui a souffert pour moi pendant toute ma vie.

Je rêve aussi d'ouvrir un centre d'accueil ou un orphelinat pour aider les enfants pauvres et les jeunes délinquants. Si je n'arrive pas à ouvrir un centre d'accueil ou un orphelinat, je vais me sentir mal pendant toute ma vie. Je sais que je vais finir par réaliser ce rêve parce qu'on dit souvent que quand le Bon Dieu te donne un don et il te le donne pour que tu puisses le partager. Si tu n'es pas capable de le partager et tu te retrouves à zéro un jour, tu ne dois pas commencer à poser des questions. C'est parce que tu as été égoïste. Moi, je ne veux pas faire partie des gens égoïstes. Il y a beaucoup de millionnaires qui auraient pu aider les enfants pauvres, mais ils ne font rien. Normalement, il ne devrait pas y avoir tant de pauvreté dans le monde. Moi, je veux remercier le Bon Dieu pour le talent qu'il m'a donné.

Sports Nation :  Vous pensez boxer jusqu'à quel âge ?

Joachim Alcine : La carrièrre d'un boxeur peut être longue et courte aussi. Cela dépend du boxeur. Moi, je suis un boxeur styliste et je ne fais pas facilement touché. Je suis très rapide et technique. Je suis un boxeur du style Oscar De la Hoya qui n'est pas un bagarreur. Il peut boxer jusqu'à 40 ans. Mais moi, ça ne me coûteriait rien de boxer jusqu'à 40 ans. Je vise les 35 ans et me faire assez d'argent pour faire vivre ma famille et réaliser tous mes rêves.

Sports Nation :  Si vous n'étiez pas boxeur, quel métier auriez-vous faire ?

Joachim Alcine : D'habitude, les parents noirs veulent que leurs enfants soient médecins, ingénieurs, avocats, etc. Moi aussi, je voulais devenir médecin. Mais je pense que ce sont mes parents qui m'ont mis ça dans la tête. Mais regarde, aujourd'hui je suis en train de faire la chirurgie dans un ring et ce n'est pas pareil. C'est trop long pour moi de m'asseoir sur un banc de l'école pour étudier pendant des années pour devenir médecin Je pense que j'aurais dû être policier.

Alcine (à droite) en action sur le ring

Sports Nation :  Il y a des gens qui disent que la boxe est un sport dangereux. Quelle est votre opinion ?

Joachim Alcine : La boxe n'est pas classée parmi les sports les plus dangereux. Moi je boxe depuis déjà 12 ans et je ne me suis jamais fait mal. A cause des erreurs techniques, j'ai eu des fractures à la main quand j'ai commencé la boxe. Il faut apprendre à frapper comme il faut.

Il y a des boxeurs qui perdent par KO de temps en temps et ils risquent de se faire enterrer en raison des commotions cérébrales. Ils font ça parce qu'ils veulent de l'argent et ils cachent la vérité. A la fin, ce sont eux qui paient. Dans la boxe professionnelle aujourd'hui, quand tu perds par KO tu n'as pas le droit de boxer pendant au moins 90 jours. Même après avoir fait un 12 rounds chez les pros, tu n'as pas le droit de monter sur un ring avant au moins 30 jours.

Sports Nation :  Allez-vous voir au moins comment les boxeurs seychellois s'entraînent ?

Joachim Alcine : Certainement ! Je veux aussi visiter les orphelinats et faire du jogging sur la plage. Je serai pas mal occupé pendant mon séjour. Je vais ajouter que les Seychelles sont un paradis. Les Seychelles me rappellent Haïti il y a 20 ans de cela. Ça me rappelle mon enfance. J'ai quitté Haïti à l'âge de neuf ans et je n'y suis jamais retourné. J'ai peur de retourner là-bas à cause de l'instabilité politique.

Les Seychellois parlent le créole comme les Haïtiens. Après avoir rencontré ma femme, je lui ai toujours dit que je veux visiter les Seychelles. Aujourd'hui, j'ai réalisé ce rêve. De plus, je  me souviens que j'avais boxé contre un Seychellois aux Jeux de la Francophonie à Madagascar en 1997.

Interview réalisé par G. G.

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