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Interview Avec Père Jocelyn Grégoire-« Consolider la foi chrétienne » |07 December 2007

Interview Avec Père Jocelyn Grégoire-«  Consolider la foi chrétienne »

Figure charismatique dans l’Océan Indien, le prêtre mauricien attire des foules immenses et Père Jocelyn Grégoire – « Je crois qu’on ne regarde pas assez l’être humain dans son intégralité dans sa dimension à la fois politique, sociale, religieuse et familiale. On ne peut segmenter la vie de l’homme de cette façon et je pense que mon action à Maurice cadre parfaitement avec mon sacerdoce »inspirées là où il passe. Prêtre engagé dans le social, il lutte pour l’affirmation identitaire d’une section défavorisée dans son pays. Seychelles Nation a rencontré le Père Grégoire pour évoquer toutes ces questions.


Père Grégoire, quelle est votre mission relativement à cette quatrième visite chez nous ?

Je place cette visite dans la continuité des précédentes visites qui étaient surtout consacrées à des sessions d’évangélisation et j’ai senti une attente de la part des Seychellois comme je l’avais ressenti à Maurice quand j’avais commencé. Il y a une attente et une soif pour connaître un peu plus sa foi, parfaire sa relation avec le Christ et se libérer de tous les éléments qui nous empêchent d’aller vers l’autre.

Etes-vous conscient que vous êtes toujours très attendu aux Seychelles ….

Oui, le fait qu’on continue à m’inviter est un signe que mon message est écouté et entendu. Partout où je passe dans votre pays les Seychellois me reconnaissent et quand ils viennent à Maurice, ils viennent me rencontrer. Les Seychellois que je rencontre me parlent de l’amélioration des relations avec la famille et les enfants. Je pense qu’il y a une transformation et surtout qu’il y a une réceptivité à mes sessions. Je crois que le cheminement qu’on a à faire ensemble se poursuit actuellement. Je suis très touché, par exemple, par la réception que je reçois dans les prisons où je constate cette ferveur et cet enthousiasme. Je crois que la transformation intérieure se manifeste par cet accueil comme partout ailleurs aux Seychelles où de grandes foules viennent à ma rencontre.

Et bien entendu, votre action s’insère dans ce renouveau spirituel souhaité par le diocèse catholique aux Seychelles…

Absolument ! L’objectif de Monseigneur Denis Wiehe (ndlr : évêque de Port-Victoria ) c’est aussi d’apporter ce renouveau spirituel. Et quand il m’a invité il était au courant de mon action à Maurice à travers mes sessions et les retraites que j’anime. Il connaît mon approche, mes chants, mon message et surtout ma méthodologie. Et le travail que j’effectue est l’un des chemins vers ce renouveau spirituel voulu par l’Evêque. Avec tout ce qu’il a mis en place à l’instar des sessions de formation, mon message cadre avec sa volonté de donner à l’église catholique une nouvelle dimension aux Seychelles.


Et comment s’articule votre message lors de cette présente visite ?

D’abord, je reprends la catéchèse de l’église catholique pour familiariser les fidèles avec cet enseignement universel de l’église. Ensuite ma visite se situe dans mon engagement pour la lutte contre des fléaux tels le sida, la drogue, l’alcool et la violence. Et enfin ma mission ici est portée vers la formation en tant que psychologue, c'est-à-dire tout ce qui concerne l’écoute et les conseils. Donc former des personnes pour être à l’écoute des autres dans leurs peines et dans leur foi. Tous ces volets de ma visite ici cadrent bien avec l’objectif du diocèse aux Seychelles.

Père Grégoire, on note beaucoup d’animation musicale dans vos sessions. Quelle est la portée de la musique dans votre message ?

Je crois que la musique et les chants composés ont une très grande place dans mon message et surtout c’est ce qui reste très vivant dans les cœurs des fidèles quand je suis parti. Les gens s’identifient très vite à mes textes parce que les paroles sont inspirées de la Bible mais aussi de la vie de tous les jours et ils continuent à vivre leur catéchèse à travers cette musique et les chants. Tout a commencé à Maurice quand on me demandait encore plus de chansons parce que beaucoup de ces personnes me disaient que les chants et la musique leur apportaient un soulagement dans leurs souffrances. Donc il y a cet élément musical  qui constitue  la continuité de mon message en mon absence. Mais lors de mes sessions quand je visite un lieu, la musique permet de briser une certaine léthargie parmi la congrégation. Souvent lors des célébrations liturgiques, c’est moi avec mon Dieu, alors que les chants les invitent à utiliser leurs mains, leurs voix, leurs corps pour louer le Seigneur. Ils sont incités à avoir une interaction avec les autres fidèles. Ce partage donne une sensation de bien-être et ça fait partie du processus de libération de la peur et de la timidité.

Parlez nous à présent de votre expérience et de votre conviction sur la relation qui existe entre la foi et la guérison.

Vous savez que, même quand on devient prêtre avec toute la formation théologique et spirituelle qu’on reçoit, on pense toujours que la maladie et la mort ne concernent que les autres. On prêche que nous sommes tous vulnérables, que la vie est tellement courte, que tôt ou tard on peut être appelé, qu’il faut donc prier car on ne sait pas l’heure ou le jour. Je suis intellectuellement conscient de ça, mais toujours par rapport aux autres jusqu’au jour où j’apprends que j’avais un cancer. Ça a été une remise en question dans la façon dont je regarde la vie, la façon que je regarde ma mission et mon ministère de prêtre, et surtout ma mission de psychologue à l’écoute des autres. Ma formation, tant spirituelle, théologique que psychologique a été toujours orientée vers la compréhension des autres
Mais je ne pouvais savoir que ce n’était que des techniques intellectuelles que j’utilisais en tant que  prêtre ayant  un cœur d’amour et de compassion qui inspiraient mes paroles. Mais c’est toujours l’autre qui va souffrir et qui va partir. Or j’ai l’impression que lorsque  j’ai eu le cancer, Dieu m’a dit « Stop talking the talk, now walk your talk ». Disons que j’ai alors commencé à comprendre la souffrance de l’autre de l’intérieur. Aujourd’hui j’entre dans les chaussures des autres avec cette expérience de la maladie, et pas n’importe quelle maladie, une maladie qui peut récidiver à tout instant. Il y a toujours cette éventualité que je sois a nouveau malade être obligé de suivre des traitements très pénibles. Mais j’ai cette capacité de comprendre cette maladie, et comprendre la maladie des autres est très thérapeutique pour moi et pour les autres. Donc il y a une certaine crédibilité qui est accordée à mes paroles car en offrant des paroles de compassion à un malade, ce dernier ne peut pas dire que je le fais uniquement parce que je suis prêtre. Il sait que ça vient de  l’expérience que j’ai vécue, celle de la maladie et surtout de l’espérance.

Vous avez aussi initié une action sociale à  Maurice, votre pays. Comment la réconcilier avec votre mission spirituelle ?

Si ma démarche n’est pas toujours bien comprise, c’est parce qu’il y a toujours cette dichotomie entre ce qui touche la vie citoyenne et la vie spirituelle des gens. Je crois qu’on ne regarde pas assez l’être humain dans son intégralité dans sa dimension à la fois politique, sociale, religieuse et familiale. On ne peut segmenter la vie de l’homme de cette façon et je pense que mon action à Maurice cadre parfaitement avec mon sacerdoce car c’est effectivement ça qui m’oblige à prendre position. Le Christ demandait toujours de prendre une position préférentielle en faveur des pauvres, il a toujours été du côté des marginalisés et son message est celui de la libération. Dans l’Evangile de St. Marc, avant de partir, il dit d’aller proclamer la bonne nouvelle. Et dans St. Luc, quand il nous dit « heureux les pauvres », il évoque ces gens qui sont politiquement, académiquement et matériellement pauvres. Et quand il poursuit en disant «  heureux les pauvres, le royaume des cieux est à vous », on se demande comment. Je crois que c’est simple : pour le Christ il y a un peuple qui s’appelle chrétiens qui ne peut pas continuer à tolérer la pauvreté sous toutes ses formes. On peut donner des vêtements et de la nourriture à une personne pauvre créant ainsi un assistanat et l’autre façon de procéder c’est de la responsabiliser. C’est vrai que dans le contexte seychellois, vous avez un peuple homogène sur le plan ethnique mais, à Maurice, nous avons hérité d’un système que je dirai plutôt raciste mis en place par les Anglais qui visait à compartimenter les différents groupes ethniques du pays. A Maurice, nous avons les hindous, les musulmans, les chinois et tous les autres qu’on a mis dans un fourre-tout qu’on appelle « population générale ». Cette population générale comprend une grosse majorité de ce qu’on appelle créole à Maurice. Mon combat, c’est de lutter pour l’affirmation identitaire de cette tranche de la population ; c’est une affirmation culturelle, sociale et raciale. Ma démarche ce n’est pas d’apporter encore plus de segmentation à notre population mais d’aider à affirmer notre existence. C’est à partir de cette existence et cette identité affirmées qu’on pourra travailler à construire cette unité nationale.

Et comment comptez-vous vous y prendre pour arriver  à cette solution ?

Je crois que c’est dans la différence qu’on arrive à dialoguer car si je n’accepte pas l’autre comme différent, je ne peux pas avoir un dialogue avec cette personne. C’est en reconnaissant que nous sommes différents que le chemin du dialogue peut être tracé. Il faut conjuguer ces différences pour construire ce pays arc-en-ciel et ce ‘pays mosaïque’. Un arc-en-ciel n’est pas beau quand une de ses sept couleurs est faible et une mosaïque n’est pas une œuvre admirable lorsqu’il lui manque une pièce. Le combat c’est aussi un appel pour moi d’être sensible en tant que prêtre à la pauvreté des gens. Quand on regarde la société mauricienne on constate qu’au niveau des groupes ethniques, ce sont les créoles qui sont les plus pauvres avec parmi cette population le plus de drogués, le plus de squatters, le plus de prostituées, le plus de prisonniers, le grand nombre d’échecs à la fin du cycle primaire, le plus petit nombre d’académiciens et je peux multiplier les exemples. Deuxièmement, la majorité des chrétiens sont créoles et je les rencontre dans mes messes dominicales, dans mes rassemblements, dans mes sessions. Alors on ne peut pas parler de l’âme alors que le corps est en train de souffrir. Je ne peux pas continuer à recevoir cette personne à la messe tous les dimanches en lui offrant de belles paroles sur son âme alors qu’en rentrant chez elle, l’enfant st drogué, la maison a été « squattée », le mari est victime de l’alcool et la fille se prostitue ! On ne peut continuer à avoir un chrétien le dimanche et un créole qui souffre toute la semaine.


 

 

 

 

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